Depuis plusieurs années, la résolution amiable des différends a clairement le vent en poupe. En témoigne le nombre croissant de textes de loi et de dispositifs obligatoires qui la favorisent et lui donnent la primauté sur le recours à la justice.

 

Faisons un état des lieux d’une situation en constante évolution.

 

En matière civile :

Depuis 2020 et l’article 750-1 du Code de Procédure Civile, une tentative de médiation ou de recherche de solution amiable est obligatoire pour toute demande en justice pour un litige n’excédant pas 5 000 € et pour les actions relatives aux litiges suivants : bornage, certaines servitudes, distances des plantations (arbres et haies), trouble anormal de voisinage.

Qu’entend-t-on par « tentative obligatoire » ? Pour porter la demande en justice, le plaignant doit pouvoir prouver qu’il a proposé une résolution amiable du différend à l’autre partie. Concrètement, il doit saisir un médiateur qui propose à l’autre partie de participer à une médiation. Si elle accepte, la médiation est mise en place pour trouver une solution amiable. Si celle-ci refuse, le médiateur délivre une attestation au plaignant qui lui permet d’aller en justice.

Cette loi, très récente et encore méconnue, représente un tournant majeur. En obligeant les personnes en conflit à « envisager » une résolution amiable, elle leur ouvre les yeux sur une alternative à laquelle elles n’avaient pas pensé. Une alternative plus rapide, moins coûteuse, et dans laquelle elles sont actrices et décisionnaires.

 

En matière judiciaire :

La loi n°95-125 du 8 février 1995 (articles 21 à 22-3) pose que, dans le cadre de procédures civiles, pénales et administratives, le juge peut proposer ou enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur afin de chercher une solution amiable au différend porté en justice.

 

En matière familiale :

Le code civil (articles 255, 373 et 1071) indique qu’au cours d’une procédure de divorce, le juge peut proposer ou enjoindre aux époux de rencontrer un médiateur familial. Seule exception, le juge ne peut faire cette injonction en cas d’allégation de violences à l’encontre d’un des conjoints ou d’un des enfants. Pour autant, rien n’empêche la réalisation d’une médiation à l’initiative des conjoints s’ils le souhaitent.

 

En matière commerciale :

Depuis 2016 et les articles L611-1 à L616-3 du Code de la Consommation, tout consommateur a désormais le droit de recourir gratuitement à un médiateur de la consommation en vue de la résolution amiable du litige qui l’oppose à un professionnel. A cet effet, le professionnel garantit le recours effectif à un dispositif de médiation de la consommation.

Ce droit du consommateur, bien qu’inscrit dans la loi depuis maintenant plus de 6 ans, est encore largement méconnu des professionnels concernés (tous ceux qui ont des clients particuliers). Leur non-conformité les place régulièrement dans des positions délicates. En effet, lorsque survient un litige, et que le consommateur découvre que le professionnel n’est pas en mesure de respecter son droit, il se trouve en position de force face au professionnel qui risque gros à ce que l’affaire aille au tribunal. Le professionnel se voit alors contraint de financer une médiation conventionnelle (beaucoup plus coûteuse que s’il était conventionné auprès d’un médiateur de la consommation), s’il refuse de la financer ou si aucun accord n’est trouvé et que le tribunal est saisi par le client, il peut être certain d’être condamné à une forte amende pour sa non-conformité (jusqu’à 15 000 €).

 

En matière administrative :

Après 4 ans d’expérimentation, le décret 2022-433 du 25 mars 2022 inscrit dans la durée la médiation préalable obligatoire (MPO) dans la fonction publique et à Pôle emploi. On parle ici de médiation administrative.

Cette obligation concerne : les agents de Pôle emploi et les demandeur d’emploi inscrit à Pôle emploi, les agents des établissements publics de coopération intercommunale, les agents des collectivités territoriales, les agents de la fonction publique d’Etat et de la fonction publique territoriale, les avocats, les agents des administrations, les membres du Conseil d’Etat, les magistrats des tribunaux administratifs et des cours administratives d’appel, les agents de greffe du Conseil d’Etat et des juridictions administratives.

La médiation préalable obligatoire concerne désormais les décisions individuelles défavorables suivantes :

  • Les décisions sur la rémunération
  • Les décisions de refus de détachement ou de placement en disponibilité et, pour les agents contractuels, le refus de congés non rémunérés
  • Les décisions sur la réintégration après détachement, placement en disponibilité, congé parental ou relatives au réemploi d’un agent contractuel à l’issue d’un congé
  • Les décisions sur un avancement de grade ou à une promotion interne
  • Les décisions sur la formation professionnelle tout au long de la vie
  • Les décisions sur les mesures prises par les employeurs publics à l’égard des travailleurs handicapés
  • Les décisions sur l’aménagement des conditions de travail des fonctionnaires n’étant plus en mesure d’exercer leurs fonctions

 

La médiation préalable obligatoire concerne aussi les décisions individuelles prises par Pôle emploi envers ses allocataires sur :

  • La cessation d’inscription sur les listes des demandeurs d’emploi ou au changement de catégorie
  • La radiation de la liste des demandeurs d’emploi
  • La suppression du revenu de remplacement
  • Les pénalités administratives prononcées par Pôle emploi
  • Le remboursement des allocations, aides et de toute autre prestation indûment versées

 

En matière prudhommale :

Actuellement, dans toute procédure prudhommale la tenue d’une conciliation est obligatoire. La conciliation fait partie des modes amiables de résolution des différends, mais sa réussite est assez limitée car, dans ce cadre, elle ne porte que sur des enjeux techniques et juridiques. À tel point que les personnes concernées sont souvent absentes et uniquement représentées par leurs avocats. Trouver un terrain d’entente nécessite souvent que les personnes puissent se parler, sans le filtre de leurs avocats, c’est pourquoi, à tout moment de la procédure au Tribunal des Prud’hommes, une médiation peut être organisée à l’initiative des personnes impliquées.

 

En conclusion

Après des années de construction législative, en 2022, l’obligation de chercher une solution amiable préalablement à toute action en justice s’étend à presque tous les domaines de la vie : professionnel, familial, commercial, administratif, voisinage…

La mutation de notre rapport à la justice est lancée et bien lancée. D’ici peu de temps, ce qui était hier une « solution alternative » sera par évidence la « solution privilégiée ».

Les médiateurs professionnels sont en train de devenir les acteurs majeurs de cette grande mutation sociétale. Leur compétence permet aux personnes en conflit de retrouver une forme de liberté d’agir et de décider, en dehors ou en parallèle du système judiciaire, qui reste indispensable dans un État de Droit.

Si un jour vous effleure l’idée d’aller en justice pour faire valoir vos droits, ayez le réflexe d’envisager en premier la résolution amiable, plus apaisée, plus rapide et plus satisfaisante.